France – Afrique : L’Histoire de l’Empire qui Refuse de Disparaître
La Côte de l’Or et la Ruée Vers l’Afrique
Nous sommes en 1380, des siècles avant les grands empires européens. Des navigateurs de Dieppe, à bord de deux grands navires, cherchent les précieuses ressources de la Côte d’Ivoire. Ils découvrent alors une côte regorgeant d’épices, d’ivoire, mais aussi de bois et surtout d’or. Cette abondance attire les Européens et ils établissent un fort, nommé « La Mine ». C’est le début de la Côte de l’Or, sur les rives du futur Ghana. Cependant, la guerre de Cent Ans en Europe perturbe la route commerciale vers l’Afrique, et les Français abandonnent leur comptoir.
La Côte des Esclaves et le Commerce Triangulaire
Les Portugais, forts de leur empire maritime, reprennent le contrôle de « La Mine ». Ils établissent alors une série de comptoirs sur la côte ouest de l’Afrique. Ainsi naissent la Côte du Poivre, la Côte d’Ivoire, la Côte de l’Or, et bien sûr, la Côte des Esclaves. En un siècle, les Européens construisent près de 80 comptoirs fortifiés. Ils découvrent des sociétés où la joie contraste avec des guerres sanglantes et l’esclavage. Les missionnaires chrétiens ont du mal à convaincre les populations locales de l’existence de l’enfer.
Le Commerce Triangulaire et ses Conséquences
Le commerce triangulaire prospère, avec les esclaves capturés par les populations locales et livrés aux Européens. Entre 1551 et 1875, environ 1 380 000 Africains sont embarqués sur des navires français, majoritairement à destination de Saint-Domingue. C’est une industrie en plein essor, avec les négriers européens et leurs cargaisons humaines envoyées à travers le monde.
La Course à l’Afrique
La Conférence de Berlin et le Partage du Gâteau Africain
En 1884, la Conférence de Berlin convoquée par le chancelier allemand Bismarck réunit les puissances coloniales pour définir les règles du jeu. Elles conviennent que toute puissance européenne installée sur la côte peut étendre sa domination vers l’intérieur jusqu’à rencontrer une sphère d’influence voisine. La ruée vers l’Afrique s’accélère. En quelques années, le taux d’occupation du continent par les Européens passe de 10% à 90%.
Gestion Coloniale: Indirecte ou Directe
La manière dont les colonies sont administrées varie. Les Britanniques adoptent la souveraineté indirecte en collaborant avec les autorités locales, tandis que les Français pratiquent la souveraineté directe avec un contrôle centralisé depuis l’Europe. Cette différence fondamentale aura des conséquences durables sur l’architecture sociale des colonies.
L’Union Française et les Aspirations Indépendantistes
En 1946, la France crée l’Union française, un changement de logo pour l’empire colonial. Sur le papier, tous les citoyens sont égaux devant la loi, mais en réalité, les colonies restent largement subordonnées à la France. Les aspirations indépendantistes grandissent, et naît le Rassemblement Démocratique Africain (RDA), une coalition de partis politiques demandant la liberté.
Le Général de Gaulle et le Maintien de l’Empire
Le Putsch d’Alger et le Retour au Pouvoir de de Gaulle
En 1958, le putsch d’Alger marque le début d’un coup d’État. Les putschistes prennent le contrôle d’Alger puis de la Corse. Face à cette menace, le gouvernement français cède et remet le pouvoir au général de Gaulle. C’est la fin de la Quatrième République et le début de la Cinquième République. De Gaulle souhaite non seulement moderniser les rapports politiques avec les colonies, mais surtout maintenir l’Empire français dans une nouvelle configuration.
Le Général de Gaulle et la Décolonisation Contrôlée
De Gaulle reconnaît la montée des aspirations indépendantistes dans les colonies africaines. Plutôt que de s’opposer à l’indépendance à tout prix, il propose une approche plus nuancée. De Gaulle promeut l’idée de la « Communauté française », dans laquelle les anciennes colonies africaines pourraient obtenir l’indépendance tout en maintenant des liens étroits avec la France. Cette approche est perçue comme un moyen de préserver l’influence française en Afrique.
Cependant, il est important de noter que derrière cette façade de décolonisation contrôlée se cache une réalité plus complexe. La France, consciente de la richesse des ressources naturelles de ses colonies africaines, est déterminée à maintenir un contrôle sur ces ressources. Elle est également soucieuse de conserver ses avantages économiques et militaires dans la région.
L’Évolution du Système Français en Afrique
Au cours des années 1960 et 1970, les colonies africaines obtiennent progressivement leur indépendance. Cependant, la France veille à ce que les dirigeants de ces nouveaux États soient favorables à ses intérêts. Elle maintient des liens étroits avec les dirigeants africains et continue de bénéficier économiquement de ses anciennes colonies.
Les Réseaux Focards et la France-Afrique
L’une des figures clés de cette stratégie est Jacques Focar, surnommé « Monsieur Afrique ». Il opère en coulisses pour maintenir des dirigeants pro-français au pouvoir en Afrique. Les conseillers français sont présents à tous les niveaux du gouvernement et tirent les ficelles des grands dossiers. La France signe des accords secrets avec les nouveaux États indépendants pour sécuriser son accès aux ressources naturelles.
L’Objectif de la France-Afrique : Contrôler en Couverture de l’Indépendance
La France-Afrique est un système dans lequel la France travaille en coulisses pour télécommander un réseau d’hommes politiques africains qui sont en réalité des marionnettes. La France peut ainsi continuer à bénéficier de l’accès aux ressources et aux privilèges coloniaux tout en maintenant une façade d’indépendance pour les pays africains.
Les Conséquences de la France-Afrique
Ce système a eu des conséquences importantes sur les pays africains. Les dirigeants complices sont récompensés, tandis que ceux qui cherchent une véritable indépendance sont combattus. Des élections truquées sont organisées, et des familles dynastiques restent au pouvoir pendant des décennies. Les réseaux focards opèrent en secret, reliant la France, l’Afrique et le secteur privé.
Le Système des Biens Mal Acquis
Le scandale des biens mal acquis révèle l’ampleur de la corruption dans le système France-Afrique. Des dirigeants africains sont payés pour leur collaboration dans le trafic de ressources, et en retour, ils financent les politiciens français qui facilitent ce système. Les fonds sont détournés vers des comptes bancaires suisses, et la France garde un moyen de pression redoutable sur ces dirigeants.
La France-Afrique est un système complexe qui continue d’évoluer, mais qui a laissé une empreinte profonde sur les relations entre la France et l’Afrique. Elle est le reflet d’une époque révolue où les puissances coloniales maintenaient leur emprise sur le continent africain. Aujourd’hui, elle suscite des débats sur la justice, la transparence et les relations internationales. La France-Afrique reste une partie importante de l’histoire politique et économique de l’Afrique et de la France.
- Le Cas de la Guinée : Vous pourriez expliquer comment la Guinée, dirigée par Sékou Touré, a choisi de dire « NON » à la France lors du référendum sur l’indépendance. Vous pourriez détailler les réactions immédiates de la France, y compris la confiscation de billets de banque et le retrait des fonctionnaires français. Cela pourrait également inclure des informations sur l’opération Percy, organisée par Jacques Foccart pour déstabiliser la Guinée.
- Le Cas du Cameroun : Vous pourriez discuter de la manière dont la France a maintenu son influence au Cameroun en soutenant des leaders favorables à ses intérêts, même en utilisant des interventions militaires pour préserver ces régimes. Mentionnez comment la France a assuré son accès aux ressources stratégiques tout en empêchant une véritable démocratie.
- Le Cas du Gabon : Expliquez comment le Gabon est devenu un centre de la France-Afrique en raison de ses ressources pétrolières. Vous pourriez mettre en lumière le rôle de la famille Bongo dans le maintien du pouvoir avec le soutien de la France et comment cette relation a persisté pendant des décennies malgré des allégations de corruption et d’élections truquées.
- Le Cas de l’opération Percy : Vous pourriez approfondir l’opération Percy et expliquer comment elle a été utilisée pour déstabiliser les pays africains qui remettaient en question l’influence française. Mentionnez les tactiques utilisées, telles que l’impression de faux billets de banque et la formation de rebelles, pour atteindre ces objectifs.
D’abord, la France condamne le coup d’État militaire en cours au Gabon et surveille attentivement l’évolution de la situation sur place. Sans surprise, la France condamne le coup d’État et appelle le pays à respecter les résultats de l’élection frauduleuse au nom de la démocratie.
Ensuite, le Congo-Brazzaville a connu des années difficiles sous le régime de Denis Sassou Nguesso dans les années 80. Le pays ne recevait que 17% des revenus pétroliers, tandis que le reste revenait aux intérêts français. La situation économique s’est détériorée, la croissance était presque nulle, et la dette s’accumulait rapidement. Lorsque l’URSS s’est effondrée au début des années 90, la situation a empiré, et Sassou Nguesso est devenu vulnérable.
En conséquence, la compagnie pétrolière française a soutenu le remplacement de Pascal Lissouba. Lorsqu’il est arrivé au pouvoir, l’économie était au bord du gouffre, les fonctionnaires n’étaient plus payés depuis des mois, et il a dû demander une avance de 200 millions de dollars à Elf Congo sur les redevances pétrolières, ce qui a été refusé. En réponse, Lissouba a augmenté les redevances sur le pétrole.
Les réseaux français, avec l’aide de la pétrolière française et de la famille Bongo, ont finalement décidé de se débarrasser de Pascal Lissouba pour réinstaller au pouvoir leur ami Denis Sassou Nguesso. Jacques Chirac a rencontré Sassou Nguesso accompagné d’Omar Bongo en novembre 1996 à l’Élysée, et des armes ont été fournies aux forces de Sassou Nguesso pour déclencher une guerre civile. Cette guerre a abouti à la victoire de Sassou Nguesso, qui dirige toujours le Congo-Brazzaville aujourd’hui.
Le prochain exemple concerne la République centrafricaine et l’histoire de Jean-Bédel Bokassa. À la fin des années 50, Barthélemy Boganda, le père de l’indépendance du pays, est décédé dans un accident d’avion suspecté d’être un assassinat par les services secrets français. Après sa mort, un jeune dictateur de 29 ans, David Dacko, a été installé au pouvoir, tandis que les ressources naturelles du pays, comme les mines d’uranium et de diamants, étaient exploitées par les intérêts français.
Lorsque David Dacko s’est rapproché de la Chine, cela a dérangé la France. Bokassa, un partisan de la France et un ancien de l’armée française, est devenu président à vie avec l’accord de Paris. La France a même financé son couronnement avec de l’argent des contribuables français. Cependant, la relation s’est tendue lorsque Bokassa a cherché à se rapprocher de Kadhafi. Paris a commencé à envisager de renverser Bokassa pour le remplacer par David Dacko.
En septembre 1979, alors que Bokassa était en Libye pour renforcer son alliance avec Kadhafi, la France a organisé un coup d’État au cours de l’opération Barracuda. Bokassa a été renversé, et quelques jours plus tard, il est apparu que Valéry Giscard d’Estaing, le président français de l’époque, avait reçu de nombreux diamants de Bokassa. Ce scandale, surnommé la « faffaire des diamants », a eu des répercussions dans les médias et a finalement contribué à l’élection de François Mitterrand en tant que nouveau président français.
Lorsque François Mitterrand est arrivé au pouvoir, il a exprimé le désir d’une relation plus équilibrée avec l’Afrique, mais cette tentative a été contrecarrée par les leaders africains, dont Omar Bongo. Les années 80 ont également vu l’assassinat de Thomas Sankara au Burkina Faso, un dirigeant dont les idées étaient perçues comme dangereuses pour les intérêts français en Afrique. Cette période a également été marquée par la montée du Mouvement islamique armé (MIA) et d’autres groupes militants au Sahel.
Au début des années 90, avec la chute de l’URSS, le contexte international a évolué, et la France a dû abandonner la menace communiste comme justification pour ses actions en Afrique. La mode était désormais à la démocratie, mais de nombreux gouvernements africains cherchaient à entraver le processus électoral, et la France continuait de protéger ses intérêts.
Le Printemps arabe, la chute de Kadhafi et Indépendance du SAHEL
En 2011, le Printemps arabe a offert à l’Occident une opportunité de renverser des régimes indésirables, comme celui de Kadhafi en Libye. Cela a conduit à une intervention militaire de l’OTAN en Libye, à la chute de Kadhafi, et à une période d’instabilité dans la région. L’effondrement du régime de Kadhafi a également eu des répercussions au Mali, où des armes et des combattants se sont infiltrés, déclenchant la guerre du Mali.
La France est intervenue militairement au Mali pour lutter contre les groupes djihadistes, mais cette intervention a suscité des critiques et un sentiment anti-français dans la région. Les troubles se sont ensuite propagés à d’autres pays, provoquant des coups d’État et des manifestations contre les gouvernements considérés comme des collaborateurs de la France. La France a réagi en menaçant d’intervenir militairement, ce qui a encore exacerbé les tensions.
Aujourd’hui, l’Afrique francophone fait face à une nouvelle période d’instabilité, marquée par des mouvements de contestation contre les régimes en place et une remise en question du système de la « Françafrique ». Les pays africains cherchent à briser le cycle de la dépendance envers la France et à prendre en main leur propre destinée.
Il est important de noter que ce récit met en lumière les complexités et les ambiguïtés de la relation entre la France et ses anciennes colonies en Afrique, ainsi que les conséquences de cette relation sur la politique et la stabilité de la région.